27 septembre 2018
Hélias Millerioux est un guide de montagne français âgé de 30 ans, alpiniste de haut niveau et skieur extrême. Aujourd’hui installé à Chamonix et membre de l’AIGMB, il a passé les dernières années à parcourir le monde en tant que guide ou dans le cadre de ses expéditions personnelles.
Hélias est un homme qui s’investit à fond. L’année dernière, il a skié au Nant Blanc, une piste située sur la face nord de l’Aiguille Verte, où aucune erreur n’est permise. Il a également ajouté à sa liste le sommet de Denali, la face sud d’Aconcagua et de nombreux autres.
Le week-end dernier, le 23 septembre, notre athlète SCOTT et ami Hélias a reçu le Piolet d’Or 2018 à Ladek, en Pologne, en récompense de ses exploits lors de l’ascension d’un nouvel itinéraire vers le Nuptse, un sommet de 7 861 mètres d’altitude au Népal.
Lorsque vous demandez aux gens quels sont les prix les plus prestigieux au monde, vous obtenez des réponses très variées. On vous répond le titre de champion du monde de football, les Oscars, le prix Nobel, la médaille d’or olympique, et peut-être certains évoquent-ils le prix Pulitzer, qui récompense des réalisations dans les domaines de la littérature et du journalisme. Mais pour les grimpeurs et les alpinistes, le prix le plus prestigieux reste le Piolet d’Or. Le Piolet d’Or est une récompense décernée chaque année depuis 1991 dans le domaine de l’alpinisme par le magazine français Montagnes et le Groupe de Haute Montagne. Il s’agit du prix le plus prestigieux qu’un expert de l’alpinisme puisse obtenir et il a toute sa place dans la liste ci-dessus.
Les critères d’obtention de ce prix sont clairement définis :
- Style d’ascension.
- Esprit d’exploration : caractère inédit (jamais pratiqué auparavant) de l’itinéraire et/ou de la montagne, approche créative et innovante.
- Niveau d’engagement et d’autonomie.
- Haut niveau de compétence technique requise.
- Caractère approprié de l’itinéraire compte tenu des dangers réels.
- Efficacité et parcimonie dans l’utilisation des ressources.
- Transparence sur l’utilisation de ces ressources.
- Respect des gens, des compagnons de cordée, des membres d’autres équipes, des porteurs et des agents locaux.
- Respect de l’environnement.
Respect des futures générations d’alpinistes en leur offrant la possibilité de vivre le même genre d’expériences et d’aventures.
Pour résumer, le Piolet d’Or est la reconnaissance suprême dans le monde de l’alpinisme, et Hélias peut le confirmer. “Ce n’est pas le genre de récompense que vous obtiendrez plusieurs fois dans votre vie.”
Qu’ont-il fait pour la mériter ? Accompagné de ses amis Frédéric Degoulet et Benjamin Guigonnet, Hélias a expérimenté l’ascension d’un nouvel itinéraire difficile sur la face sud du Nuptse, dans l’Himalaya népalais. Ce sommet impressionnant de presque 8 000 mètres d’altitude a été gravi pour la première fois en 1961 par Joe Walmsley, alors à la tête d’une expédition anglo-népalaise. Il avait alors choisi la face sud, d’environ 2 500 mètres d’altitude et 5 km de large, comme itinéraire ambitieux de moindre résistance pour parvenir au sommet, situé à 7 864 mètres d’altitude.
58 ans après, Hélias et ses amis du « Gang des Moustaches » ont effectué cette ascension via leur propre itinéraire et peuvent être fiers de leurs exploits. C’est aussi toute la communauté alpiniste qui est fière de cette performance. C’est pourquoi l’équipe d’Hélias a obtenu le Piolet d’Or.
C’est tout autre chose qu’une expédition au fond de son jardin ou près d’une grande ville ou d’un hôpital. Quand vous êtes là-bas, il y a vos amis et c’est tout. Le plus petit problème peut vite devenir catastrophique… Le simple fait d’entendre Hélias parler de cette ascension et de l’ensemble du projet vous donne une bonne idée de ce que signifie s’investir.
« Il a fallu trois ans pour réaliser l’ascension du Nuptse, trois années de tentatives avant de parvenir à dominer ce mur gigantesque près de l’Éverest et du Lhotse. Je me souviens que 2015, 2016 et 2017 ont été des années fabuleuses, vraiment intenses.
Le 19 octobre 2017 à 15 heures, Benjamin Guigonnet, Fred Degoulet et moi-même avons atteint le sommet de cette incroyable montagne : ça a été une expérience extraordinaire.
La première tentative avait été effectuée en 2015 par Benjamin Guigonnet, en collaboration avec Ueli Steck, décédé depuis, et Colin Haley. Malheureusement, les efforts entrepris cette année-là n’ont pas abouti. Nous avons été pris dans une tempête de neige et avons affronté des vents violents au niveau de notre bivouac, à 6 900 mètres. C’était trop risqué : il ne servait à rien de continuer.
En 2016, nous étions quatre dans le groupe : Fred Degoulet, Ben Guigonnet, Robin Revest et moi. Nous avions à cœur d’être les premiers sur cette nouvelle voie, qui conduit à l’un des sommets du Nuptse, le Nup II, à une altitude de 7 742 mètres. Cette fois-là, c’est une erreur de stratégie qui nous a obligés à rebrousser chemin le dernier jour de l’ascension, alors que nous nous trouvions à 7 350 mètres. Comme nous avions concentré tous nos efforts en vue d’atteindre le sommet, ce qui signifiait un dénivelé de 700 mètres, nous avions décidé de partir avec le moins de poids possible. Toutefois, en réalisant le temps que nous mettions, nous avons compris que nous n’aurions jamais pu atteindre le sommet à une heure raisonnable sans nourriture ni équipement de bivouac. Et nous savions ce que cela signifiait si l’on continuait… C’est pourquoi nous avons été obligés d’abandonner.
Lors de la dernière tentative, en 2017, avec Benjamin Guigonnet et Fred Degoulet, nous avons finalement réussi à grimper cette immense face du Nuptse de 2 200 mètres, en six jours et en faisant cinq bivouacs en tout. Pour la descente, il nous a fallu faire un bivouac et cela nous a pris une journée et demie de marche. En tout, nous aurons consacré huit jours de notre vie à cette immense paroi rocheuse. Nous avons pu ainsi réaliser notre rêve, qui a été récompensé par le Piolet d’Or 2018, pour récompenser l’ascension de l’année 2017.
Pour nous, le Piolet d’Or est l’Oscar de l’alpinisme. Il témoigne de la reconnaissance de nos pairs, de nos collègues alpinistes, de ce que nous avons accompli durant ces nombreuses années passées à gravir des montagnes, et de toutes les tentatives et les efforts réalisés. C’est vraiment un honneur de recevoir l’un de ces trophées, et nous en sommes très heureux et très fiers. »”
Bravo à Hélias et à ses amis pour cet exploit ! Nous attendons déjà avec impatience leurs nouvelles aventures.